» De son côté, la femme de l’Ogre prie le roi de s’en aller ; mais il ne l’écoute pas, il refuse plus que jamais de partir sans Lucine, et s’obstine de plus en plus dans son projet. Il resta dans cette servitude, où le retenaient l’amour et le dévouement, jus- qu’à ce que le fils d’Agrican et le roi Gradasse vinrent aborder près du rocher. » Ils déployèrent tant d’audace, qu’ils réussirent à délivrer la belle Lucine, bien que la tentative fût plus aventureuse que prudente. Puis ils coururent la porter à son père, qui les avait suivis et auquel ils la remirent. Ceci se passa le matin, pendant que Norandin était avec le troupeau dans la caverne, livré à ses tristes pensées. » Le jour venu, et la porte ayant été ouverte, le roi apprit, – et ce fut la femme de l’Ogre qui le lui raconta, – que sa dame était partie, et comment elle avait été délivrée. Il en rendit grâ- ces à Dieu et jura, puisqu’elle avait échappé à un si misérable sort, de la rejoindre partout où elle serait cachée, à l’aide de son épée, de ses prières ou de ses trésors. » Plein de joie, il se mêle au troupeau et gagne les ver- doyants pâturages. Là, il attend que le monstre se soit allongé sur l’herbe pour dormir à l’ombre ; puis il marche tout le jour et toute la nuit. Sûr enfin que l’Ogre ne peut l’atteindre, il monte à Satalie sur un navire, et arrive en Syrie, il y a maintenant trois mois. » À Rhodes, à Chypre, par les cités et les châteaux de l’Afrique, de l’Égypte et de la Turquie, le roi fit chercher la belle Lucine. Jusqu’à avant-hier, il n’avait pu retrouver ses traces. Enfin, avant-hier, il reçut de son beau-père la nouvelle que Lu- cine était arrivée saine et sauve auprès de lui à Nicosie, après avoir lutté contre de nombreux vents contraires. – 337 –