Ils arrivèrent sur la place et se tinrent à l’écart, ne voulant point parader dans la lice, mais examiner de leur mieux les beaux enfants de Mars qui arrivaient seuls, ou par groupes de deux ou de trois. Ils portaient des couleurs joyeuses ou tristes, pour indiquer à leur dame l’état de leur cœur ; la façon dont ils portaient leur cimier, ou dont ils avaient fait peindre leur écu, indiquait si l’amour leur était doux ou cruel. À cette époque, les Syriens avaient coutume de s’armer comme les chevaliers du Ponant. Ils avaient pris probablement cette habitude au voisinage continuel des Français, qui possé- daient alors la terre sainte où s’incarna le Dieu tout-puissant, et qu’aujourd’hui les chrétiens, orgueilleux et misérables, laissent, à leur honte, aux mains des chiens d’infidèles. Alors qu’ils devraient abaisser la lance pour la défense de la sainte Foi, ils la tournent contre leur propre poitrine et détrui- sent le peu qui reste de ceux qui croient. Ô vous, gens d’Espagne, vous, gens de France, et vous, Suisses, Allemands, dirigez ailleurs vos pas. Vous avez de plus justes conquêtes à faire, car tous les pays que vous dévastez par ici appartiennent depuis longtemps au Christ. Si vous voulez qu’on vous prenne pour des chrétiens, ô vous tous qui vous proclamez catholiques, pourquoi tuez-vous des hommes soumis au Christ ? Pourquoi les dépouillez-vous de leurs biens ? Pourquoi ne reprenez-vous pas Jérusalem qui vous a été enlevée par des renégats ? Pourquoi laissez-vous Constan- tinople et la plus belle partie de l’univers occupées par le Turc immonde ? N’as-tu pas, ô Espagne, l’Afrique pour voisine, et ne t’a-t- elle pas fait subir plus de maux que l’Italie ? Cependant, pour dévaster notre malheureux pays, tu renonces à ce qui devrait être pour toi la première et la plus belle des entreprises ! Et toi, – 339 –