l’autre, il faut employer l’épée. Déjà, d’un commun jugement, on tient pour certain que Griffon remportera le prix du tournoi. Dans la lice était entré Salinterne, grand écuyer et maré- chal du roi. Il avait le gouvernement de tout le royaume. C’était un guerrier à la main redoutable. Indigné de voir qu’un cheva- lier étranger allait remporter le prix, il prend une lance et défie Griffon par ses cris et ses menaces. Celui-ci lui répond par un coup d’une lance qu’il avait choi- sie entre dix. De crainte de frapper à faux, il vise au beau milieu de l’écu, qu’il traverse de part en part, ainsi que la cuirasse et la poitrine. Le fer cruel passe entre deux côtes, et ressort d’une palme hors du dos. Le coup fut applaudi de tous, excepté du roi, car chacun haïssait Salinterne, à cause de son avarice. Griffon jette ensuite à terre deux chevaliers de Damas, Er- mophile et Carmonde. Le premier conduit la milice du roi, le second est grand amiral de la mer. L’un est enlevé de selle au premier choc, l’autre est renversé par le poids de son destrier, qui ne peut soutenir la violence du coup que lui porte Griffon. Le sire de Séleucie restait encore debout ; c’était le meilleur des huit chevaliers. Un bon destrier et des armes excellentes ajoutaient à sa propre force. Les deux adversaires dirigent leur lance à la visière du casque ; mais le coup porté par Griffon est plus vigoureux que celui du païen, auquel il fait perdre l’étrier du pied gauche. Tous deux jettent les tronçons de leur lance, et reviennent l’un sur l’autre, pleins d’ardeur et les épées nues. Le païen est tout d’abord frappé par Griffon d’un coup qui aurait brisé des enclumes, et qui fend le fer et l’os d’un écu choisi entre mille. Si l’armure n’eût pas été double et de fine trempe, le même coup en tombant aurait traversé la cuisse. – 344 –