s’avance vers Norandin, à la place de Griffon, dès qu’il entend l’ordre concernant celui-ci, et auquel il s’attendait. Le roi se lève et vient d’un air courtois à sa rencontre ; il l’entoure de ses bras, l’embrasse, et le fait asseoir à ses côtés. Il ne se contente pas de le combler d’honneurs et d’éloges, il veut que le bruit de sa va- leur retentisse en tous lieux. Il fait publier, au son des trompettes, le nom du vainqueur du tournoi, et ce nom indigne se répand sur toutes les estrades et est répété dans toutes les bouches. Le roi veut qu’il chevauche à ses côtés quand le cortège retourne au palais ; il lui prodigue de telles faveurs, qu’il n’aurait pas plus fait si c’eût été Hercule ou Mars. Il lui fait donner dans le palais même un bel appartement, magnifiquement orné ; enfin pour honorer aussi Origile, il met à sa disposition ses pages et ses chevaliers. Mais il est temps que je reparle de Griffon, qui, sans se douter d’une trahison de la part de son compagnon, s’était endormi et ne se réveilla que le soir. Dès qu’il est réveillé et qu’il s’aperçoit de l’heure tardive, il sort en toute hâte de sa chambre, et court à l’endroit où il a lais- sé la trompeuse Origile et son prétendu frère. Il ne les trouve plus ; il regarde, et ne voit plus ses armes ni ses vêtements ; alors le soupçon le prend, et ce soupçon s’augmente, quand il aperçoit à la place des siens les vêtements de son compagnon. Survient l’hôte qui l’informe que depuis longtemps déjà Martan, revêtu de l’armure blanche, est rentré dans la ville, ac- compagné de la dame et du reste de l’escorte. Peu à peu Griffon s’aperçoit de la trame perfide qu’Amour lui a cachée jusqu’à ce jour ; à sa grande douleur, il reconnaît que Martan est l’amant d’Origile et non son frère. – 347 –