du haut des minarets, le son des tambours et des trompettes, produit un vacarme assourdissant et dont le ciel paraît retentir. Mais je veux remettre à une autre fois le récit de ce qui ad- vint ensuite. Il me convient, pour le moment, de suivre le bon roi Charles allant en toute hâte au-devant de Rodomont qui massacre ses sujets. Je vous ai dit que le roi était accompagné du grand Danois, de Naymes, d’Olivier, d’Avin, d’Avolio, d’Othon et de Bérenger. La cuirasse d’écailles dont le Maure cruel avait la poitrine couverte, eut à soutenir à la fois le choc de huit lances, choc que la force de huit guerriers semblables rendait terrible. De même que le navire se redresse, lorsque le pilote fait déployer les voiles au souffle naissant du vent d’ouest, ainsi Rodomont se relève sous des coups qui auraient terrassé une montagne. Guy, Régnier, Richard, Salamon, le traître Ganelon, le fi- dèle Turpin, Angiolier, Angelin, Huguet, Ivon, Marc et Mathieu de la plaine Saint-Michel, et les huit autres dont j’ai fait mention plus haut, entourent le cruel Sarrasin. À eux se sont joints Ari- man et Odoard d’Angleterre, entrés auparavant dans la ville. Les hautes murailles d’une forteresse solidement assise sur un rocher des Alpes ne sont pas plus ébranlées, quand le vent du Nord ou du Sud entraîne du haut de la montagne les frênes et les sapins déracinés, que ne le fut l’orgueilleux Sarrasin, au cœur plein de dédain et altéré de sang. De même que le ton- nerre suit de près la foudre, sa vengeance impitoyable suit de près sa colère. Il frappe à la tête celui qui est le plus près de lui : c’est le malheureux Huguet de Dordogne. Il le jette à terre, la tête fen- due jusqu’aux dents, bien que le casque soit de bonne trempe. Au même moment il reçoit sur tout le corps une multitude de coups ; mais ils ne lui font pas plus d’effet qu’une aiguille sur – 354 –