d’elle, y teint de nouveau son épée dans le sang, et extermine encore une centaine et plus de ses ennemis. Mais enfin la raison l’emporte sur la colère. Il craint de lasser Dieu lui-même. Du haut de la rive, il se jette à l’eau et échappe à l’immense péril. Il fendait l’eau, tout armé, comme s’il avait été revêtu de liège. Afrique, tu n’as point produit son pareil, bien que tu te vantes d’avoir donné le jour à Antée et à Annibal. Arrivé sur l’autre bord, il éprouve un vif déplaisir de voir s’élever encore derrière lui cette cité qu’il a traversée d’un bout à l’autre, sans pouvoir la brûler et la détruire tout entière. L’orgueil et la haine le rongent si fort, qu’il est sur le point de retourner sur ses pas ; il gémit et soupire du plus profond de son cœur ; il ne voudrait pas s’éloigner avant de l’avoir rasée et brûlée. Mais, pendant qu’il donne un libre cours à sa fureur, il voit venir le long du fleuve quelqu’un qui apaise sa haine et calme sa colère. Je vous dirai dans un moment qui c’était. Mais, auparavant, j’ai à vous parler d’autre chose. J’ai à vous parler de l’altière Discorde, à qui l’ange Michel avait ordonné d’exciter de fiers conflits et d’ardentes luttes entre les plus redoutables guerriers d’Agramant. Le même soir, elle avait quitté les moines, laissant la Fraude chargée d’entretenir parmi eux le feu de la guerre jusqu’à son retour. Elle pensa qu’elle acquerrait encore plus de force, si elle emmenait l’Orgueil avec elle. Comme elle habitait la même de- meure que lui, elle n’eut pas à le chercher longtemps. L’Orgueil la suivit, mais après avoir laissé son vicaire dans le cloître. Pen- sant n’être absent que quelques jours, il laissa l’Hypocrisie pour tenir sa place. L’implacable Discorde se mit en chemin accompagnée de l’Orgueil. Elle rencontra la Jalousie sombre et préoccupée, qui suivait la même route pour se rendre au camp des Sarrasins. – 357 –