Avec elle, allait un petit nain que la belle Doralice envoyait vers le roi de Sarze pour lui donner de ses nouvelles. Au moment où elle était tombée entre les mains de Man- dricard, – je vous ai raconté où et comment, – elle avait envoyé secrètement le nain en porter la nouvelle au roi. Elle espérait qu’il ne l’apprendrait pas en vain, et qu’on le verrait accomplir mille prouesses pour l’arracher des mains de son brutal ravis- seur, et en tirer une cruelle vengeance. La Jalousie avait rencontré ce nain, et après avoir appris le motif de son voyage, elle s’était mise à le suivre, estimant qu’elle aurait son profit dans l’affaire. La Discorde fut charmée de sa rencontre avec la Jalousie, mais elle le fut encore davantage, quand elle sut dans quelle intention elle venait. Elle comprit qu’elle pourrait l’aider beaucoup dans ce qu’elle voulait faire. Elle se dit que l’occasion est belle pour faire de Rodomont et du fils d’Agrican deux ennemis mortels. Elle trouvera d’autres motifs pour brouiller les autres chefs sarrasins ; celui-ci est ex- cellent pour diviser les deux guerriers en question. Elle s’en vient avec le nain à l’endroit où le bras du fier païen avait failli détruire Paris, et tous ensemble ils arrivent sur le bord, juste au moment où le cruel sort du fleuve. Dès que Rodomont a reconnu le messager ordinaire de sa dame, il sent sa colère s’éteindre ; son front se rassérène, et le courage seul brûle dans son âme. Il s’attend à tout autre chose qu’à apprendre qu’on a fait outrage à Doralice. Il va à la ren- contre du nain, et, joyeux, lui dit : « Que devient notre dame ? Où t’envoie-t-elle ? » Le nain répond : « La dame n’est plus tienne ni mienne, car elle est l’esclave d’un autre. Hier, nous avons rencontré sur no- tre route un chevalier qui nous l’a enlevée de force, et l’a emme- née avec lui. » À cette nouvelle, la Jalousie se glisse dans le cœur – 358 –