Il craint que, grâce aux artifices de celle qui est avec lui, Martan n’ait tué Griffon, « Dis-moi – lui crie-t-il – toi qui dois être un voleur et un traître, comme tu en as le visage, comment ces armes sont-elles en ta possession ? D’où vient que tu es monté sur le bon destrier de mon frère ? Dis-moi si mon frère est mort ou vivant, et de quelle façon tu lui as dérobé ses armes et son destrier ? » Lorsque Origile entend cette voix pleine de colère, elle veut faire tourner bride à son palefroi pour fuir. Mais Aquilant, plus prompt qu’elle, l’arrête, qu’elle le veuille ou non. Martan, devant l’air menaçant et terrible du chevalier qui lui est apparu ainsi à l’improviste, pâlit et tremble comme la feuille au vent, et ne sait que faire et que répondre. Aquilant crie et fulmine toujours ; il lui pose l’épée droit sur la gorge, en jurant qu’il leur coupera la tête, à Origile et à lui, s’ils ne lui disent pas immédiatement toute la vérité. Le malen- contreux Martan balbutie un moment, et cherche à part lui un moyen d’atténuer son crime ; puis il commence : « Tu sauras, seigneur, que celle-ci est ma sœur, et qu’elle est née d’une famille honnête et vertueuse, bien que Griffon l’ait jetée dans une voie d’opprobre et de déshonneur. Ne pouvant supporter une telle honte, et ne me sentant pas la force de l’enlever à un si grand chevalier, je résolus de l’avoir par ruse ou par finesse. » Je m’entendis avec elle, qui désirait revenir à une vie plus louable, et nous convînmes qu’elle profiterait du sommeil de Griffon pour s’échapper sans bruit ; ainsi elle fit, et pour qu’il ne pût nous poursuivre et faire échouer nos projets, nous le laissâ- mes désarmé et à pied. Nous sommes venus ici, comme tu vois. » – 368 –