destrier, dame si digne, à un voleur ne me paraissent point convenir. » « Tu as menti, en disant que je suis un voleur, – répond le Sarrasin, non moins altier. – Qui t’appellerait voleur toi-même, autant que j’en appris par la renommée, parlerait avec plus de vérité. On verra tout à l’heure, à l’épreuve, qui de nous deux est le plus digne de la dame et du destrier ; bien que, quant à celle- ci, je convienne avec toi qu’il n’est chose si digne au monde. » Comme font d’habitude deux chiens hargneux qui, excités par l’envie ou tout autre motif de haine, se joignent en grinçant des dents, les yeux tors et plus rouges que braise, puis en vien- nent à se mordre, furieux de rage, la gueule horrible et le dos hérissé, ainsi aux épées, avec des cris et des insultes, en vien- nent le Circassien et le seigneur de Clermont. À pied est l’un, l’autre à cheval. Or, quel avantage croyez- vous qu’ait le Sarrasin ? Il n’en a, à vrai dire, aucun ; même, dans cette circonstance, il vaut peut-être moins qu’un page inexpérimenté, car le destrier, par instinct naturel, ne voulait pas faire de mal à son maître. Pas plus avec la main qu’avec l’éperon, le Circassien ne peut lui faire faire un pas à sa volonté. Quand il croit le faire avancer, le cheval s’arrête ; et s’il veut le retenir, il galope ou trotte. Puis, sous son poitrail il se cache la tête, joue de l’échine et lance force ruades. Le Sarrasin voyant qu’il perd son temps à dompter cette bête rebelle, pose la main sur le pommeau de l’arçon, s’enlève et, du côté gauche, sur pieds saute à terre. Dès que, par ce léger saut, le païen fut débarrassé de la fu- rie obstinée de Bayard, on vit commencer un assaut bien digne d’un si vaillant couple de chevaliers. L’épée de chacun d’eux ré- sonne, s’abaisse ou s’élève. Le marteau de Vulcain était plus lent – 37 –