Cependant le roi Norandin, qui depuis son erreur funeste, était devenu sage et prudent, ne pouvait se consoler d’avoir ou- tragé un chevalier si digne de récompense et d’honneur. Plein de douleur et de repentir, il songeait nuit et jour à lui être agréable. Il résolut de lui rendre le prix qui lui avait été si traîtreu- sement ravi, et cela, en présence de toute la population témoin de l’injure, et avec toute la pompe qu’un roi pouvait déployer en l’honneur d’un chevalier accompli. Dans ce but, il fit annoncer par tout le pays qu’il donnerait une autre joute dans le délai d’un mois. Les préparatifs en furent si royalement faits, que la Re- nommée, sur ses ailes agiles, en porta la nouvelle dans toute la Syrie et jusqu’en Phénicie et en Palestine, où elle vint aux oreil- les d’Astolphe, lequel décida, avec le vice-roi de ce dernier pays, que le tournoi n’aurait pas lieu sans eux. L’histoire donne Sansonnet comme un guerrier valeureux. Roland lui donna le baptême et Charles – ainsi que je l’ai déjà dit – lui confia le gouvernement de la Terre Sainte. Astolphe et lui partirent avec leurs équipages pour se trouver à la joute qui s’apprêtait à Damas, ainsi que la Renommée le chantait de fa- çon à en emplir toutes les oreilles aux environs. Ils chevauchaient à petites journées, lentement et sans se presser, afin d’arriver frais et dispos à Damas pour le jour du tournoi, lorsqu’ils rencontrèrent, au croisement de deux routes, un voyageur dont les vêtements et la démarche semblaient indi- quer un chevalier. C’était cependant une femme, mais fière et intrépide dans les batailles. La jouvencelle se nommait Marphise. Sa valeur était telle que, l’épée en main, elle avait plus d’une fois fait couler la sueur – 371 –