besoin de vous conter autrement cette histoire, et je me tais là- dessus ; qu’il vous suffise de savoir que Marphise venait de re- trouver là ses armes. Sachez aussi qu’une fois qu’elle les eut reconnues à des marques non douteuses, elle ne les aurait pas laissées un jour de plus sans les reprendre. Elle ne se préoccupe pas de chercher quel est le meilleur moyen de les ravoir ; mais elle s’en approche brusquement, étend la main, et sans plus de considération s’en empare. La violence avec laquelle elle les a saisies en fait tomber une partie à terre, l’autre lui reste à la main. Le roi, qui se tient pour vivement offensé, lève un regard plein de courroux, et le peuple saisit les lances et les épées pour venger une injure qu’il ne saurait supporter, sans se rappeler ce qu’il lui en a coûté, quelques jours auparavant, de chercher querelle aux chevaliers errants. L’enfant, à la saison nouvelle, ne court pas avec plus de plaisir parmi les fleurs vermeilles d’azur et d’or ; une dame, bril- lante de parure, ne se plaît pas mieux au son des instruments invitant à la danse, que Marphise n’éprouve de plaisir et d’assurance au milieu du fracas des armes et des chevaux, des lances et des épées aux pointes aiguës, prêtes à répandre le sang et la mort. Elle pousse son cheval, et fond, impétueuse, la lance basse, sur la foule insensée. Elle transperce l’un à la gorge, l’autre en pleine poitrine ; elle jette à terre, au premier choc, tantôt celui- ci, tantôt celui-là. Puis elle frappe avec son épée sur tous à la fois, et tranche les têtes, perce les flancs, coupe les bras ou les mains. L’ardent Astolphe et le vaillant Sansonnet, qui sont revêtus comme elle de leur cuirasse et de leur cotte de mailles, bien – 374 –