vent aussi en foule, mais ils ne se hasardent pas trop à appro- cher, et voyant les pourparlers, ils se tiennent cois, attentifs à ce qui va se passer. L’un d’eux, apprenant que c’est là Marphise, dont la re- nommée est si grande par le monde, tourne bride et court pré- venir Norandin que s’il ne veut pas perdre en ce jour tous les chevaliers qui forment sa cour, il fera bien, avant qu’ils soient tous occis, de les arracher des mains de Tisiphone et de la mort, car c’est vraiment Marphise qui lui a enlevé l’armure sur la place du tournoi. Norandin, à ce nom redouté dans tout le Levant, et qui fai- sait dresser les cheveux des plus braves même à distance, re- connaît qu’il en adviendra ainsi qu’on vient de le lui dire, s’il n’y met ordre. Il rappelle en conséquence autour de lui tous les siens, dont la colère s’est déjà changée en terreur. D’un autre côté, les fils d’Olivier, Sansonnet et le fils d’Othon, supplient l’irascible Marphise de mettre fin à ce cruel conflit. Marphise s’avance alors vers le roi d’un air altier, et dit : « Je ne sais pas, seigneur, pour quelle raison tu veux donner ces armes, qui ne t’appartiennent pas, au vainqueur de tes joutes. » Ces armes sont à moi ; je les laissai un jour au milieu de la route d’Arménie, pour suivre à pied un voleur qui m’avait for- tement offensée. En voici pour preuve ma devise, qui peut s’y voir, si tu la connais. » Et elle montre gravée sur la cuirasse une couronne brisée en trois parties. « Il est vrai – répond le roi – qu’elles m’ont été données, il y a peu de jours, par un marchand arménien. Si vous me les aviez demandées, je vous les aurais données, qu’elles soient ou non à vous. Je les avais déjà octroyées à Griffon, mais j’ai tant de confiance en lui, que, s’il m’avait fallu vous les remettre, je suis persuadé qu’il me les aurait rendues. – 377 –