Là, ils trouvèrent une caraque qui chargeait des marchan- dises à destination du Ponant. Ils s’accordèrent, pour leur pas- sage et celui de leurs chevaux, avec le vieux patron qui était de Luna. Le temps s’annonçait comme devant être très favorable. Ils quittèrent le rivage par une douce brise, et les voiles gonflées d’un vent propice. Le premier port où ils s’arrêtèrent était situé sur le littoral de l’île consacrée à l’amoureuse Déesse. Il y règne un air qui non seulement abrège la vie humaine, mais qui ronge le fer. Cela est dû au voisinage d’un marais. Certes la nature ne devait pas faire à Famagosta un tel tort que de lui donner pour voisin le marais âcre et malsain de Costanza, alors qu’elle est si douce au reste de l’île de Chypre. L’insupportable odeur qui s’exhale du marais, ne permet pas aux navires d’y faire un long séjour. De là, livrant toutes les voiles au vent d’Est, le pilote contourna Chypre à main droite, et cingla vers Paphos, où l’on fit escale. Les passagers descendirent sur ce charmant rivage, les uns pour s’y livrer à leur commerce, les autres pour admirer cette terre de l’amour et du plaisir. Pendant six ou sept milles, à partir du littoral, d’agréables coteaux vont s’élevant peu à peu. Ils sont couverts de cèdres, d’orangers, de lauriers et de mille autres arbres aux suaves émanations. Le serpolet, la marjolaine, les roses, les lys, le sa- fran y répandent un parfum si suave, qu’à chaque bouffée de vent qui vient de terre, on le sent au loin en mer. Un ruisseau fécond, formé par une fontaine limpide, arrose toute cette plage. On peut bien dire que c’est là le séjour heu- reux et riant de Vénus la belle, car les dames et les damoiselles y sont plus attrayantes qu’en aucun autre lieu du monde, et tou- tes, jeunes et vieilles, brûlent d’amour jusqu’à leur heure der- nière, grâce au pouvoir de la Déesse. – 379 –