à frapper dans la caverne enfumée où il forgeait, sur les enclu- mes, les foudres de Jupiter. Ils font voir, par des coups tantôt multipliés, tantôt feints et rares, qu’ils sont maîtres à ce jeu. On les voit se dresser fiè- rement ou s’accroupir, se couvrir ou se montrer un peu, avancer ou reculer, esquiver les coups ou les affronter, tourner autour de l’adversaire, et là où l’un cède, l’autre poser aussitôt le pied. Voici que Renaud, avec l’épée, s’abandonne tout entier sur Sacripant. Celui-ci pare avec l’écu qui était en os recouvert d’une plaque d’acier trempé et solide. Flamberge le fend 33, quoiqu’il soit très épais. La forêt en gémit et en résonne. L’os et l’acier sont brisés comme glace, et le bras du Sarrasin en reste engour- di. La timide donzelle qui voit le coup terrible produire un si déplorable effet, par grand’peur change de visage. Tel le coupa- ble qui marche au supplice. Il lui semble qu’elle ne doit pas tar- der un seul instant à fuir si elle ne veut pas être la proie de Re- naud, de ce Renaud qu’elle hait autant que lui l’aime miséra- blement. Elle fait faire volte-face à son cheval et, dans la forêt épaisse, elle le chasse par un âpre et étroit sentier. Parfois elle tourne en arrière son visage défait, car il lui semble avoir Re- naud aux épaules. Elle n’avait pas, en fuyant, fait beaucoup de chemin, qu’elle rencontra un ermite dans une vallée. Il avait une longue barbe qui lui descendait jusqu’au milieu de la poitrine, et était d’un aspect pieux et vénérable. Exténué par les ans et le jeûne, il s’en venait lentement sur un âne et paraissait, plus qu’aucun autre, être d’une conscience 33 Flamberge était le nom de l'épée de Renaud, de même que l'épée de Roland s'appelait Durandal et celle de Roger Balisarde. – 38 –