fendre, et que les couleurs blanches et rouges, que je tiens de mon père, peuvent m’acquérir plus de gloire que m’attirer de dangers. » Parce que je suis jeune, ne crois pas que tu me feras recu- ler, ou que je te céderai mon écu. Tu m’enlèveras la vie, si tu veux me prendre mes armes. Mais j’espère, avec l’aide de Dieu, que c’est le contraire qui arrivera. Quoi qu’il advienne, personne ne pourra dire que j’aie jamais forligné ma race. » Ce disant, il fond, l’épée à la main, sur le chevalier de Montauban. Un frisson de terreur glace le sang des Africains jusqu’au fond du cœur, quand ils voient Renaud, plein de rage, se préci- piter à la rencontre de leur prince, comme un lion qui a aperçu dans la prairie un jeune taureau encore insensible à l’amour. C’est le Sarrasin qui porte le premier coup, mais il frappe en vain sur le casque de Mambrin. Renaud sourit et dit : « Je veux te faire voir que je sais mieux que toi trouver le point vulnérable. » Il donne de l’éperon tout en retenant la bride à son destrier, et assène à son adver- saire un tel coup de pointe en pleine poitrine, que l’épée reparaît derrière les reins. Il la retire, et l’âme s’échappe avec le sang. Le corps tombe de selle, froid et exsangue. Comme la fleur pourprée qui languit et meurt quand la charrue l’a coupée sur son passage, ou comme le pavot des jar- dins, qui, surchargé de rosée, penche la tête, ainsi, la face déco- lorée, Dardinel tombe et perd la vie. Il meurt, et avec lui s’éteignent l’ardeur et le courage de tous les siens. De même que les eaux, un instant contenues par l’art de l’homme, lorsqu’elles viennent à rompre leur digue, tombent et se répandent de toutes parts avec un grand fracas, ainsi les Afri- cains, qui ont tenu bon tout le temps que Dardinel leur a inspiré – 382 –