feras connaître mon sort ; et si la fortune ne me permet point d’accomplir une si belle entreprise, que la renommée du moins rappelle que mon intention fut bonne. » Cloridan reste stupéfait de voir tant de dévouement, tant de fidélité, tant de courage chez un enfant. Dans son amitié pour lui, il essaye de le détourner de ce projet, mais il ne peut y réussir, car on ne console point une douleur si grande. Médor est résolu à mourir ou à donner la sépulture à son maître. Voyant que rien ne l’émeut et ne peut le faire changer de résolution, Cloridan lui répond : « Eh ! bien, j’irai aussi. Moi aussi, je veux me livrer à une si louable entreprise ; moi aussi j’aime et je souhaite trouver une mort fameuse. Quelle chose pourrait du reste me plaire désormais, si je restais sans toi, mon cher Médor ? Mourir avec toi les armes à la main, vaut beau- coup mieux que mourir ensuite de douleur si tu venais à m’être ravi. » Ainsi résolus, ils cèdent la place à ceux qui viennent les re- lever de leur garde, et ils partent. Ils franchissent fossés et palis- sades, et peu à peu ils pénètrent parmi les nôtres qui reposent sans précaution. Le camp dort, et tous les feux sont éteints, tel- lement on redoute peu les Sarrasins. Les soldats gisent à la ren- verse, au milieu des armes et des bagages, les yeux appesantis par le vin et le sommeil. Cloridan s’arrête un instant et dit : « Je suis d’avis de ne jamais laisser perdre les occasions. Médor, ne dois-je pas profi- ter de celle-ci pour massacrer ceux qui ont tué mon maître ? Toi, dresse les yeux et les oreilles de tous côtés, afin que per- sonne ne survienne. Je me propose de t’ouvrir avec mon épée une route spacieuse à travers les ennemis. » Ainsi il dit, et il tint aussitôt parole. Il entre sous la tente où dort le savant Alphée, qui était venu l’année précédente à la – 386 –