nes et les ronces. Son compagnon, les épaules allégées de leur fardeau, est déjà loin de lui en sûreté. Cloridan a gagné un endroit où il n’entend plus le bruit et la rumeur produits par ceux qui le poursuivent. Mais quand il s’aperçoit que Médor n’est pas avec lui, il lui semble qu’il a lais- sé en arrière son propre cœur. « Ah ! – disait-il – comment ai-je été assez indifférent, assez oublieux de moi-même, pour m’échapper sans toi, Médor, et sans savoir où et dans quel mo- ment je t’ai laissé ! » Ainsi disant, il s’enfonce de nouveau dans le chemin si- nueux de l’inextricable forêt. Il retourne à l’endroit d’où il est venu, et marche au-devant de la mort. Il entend les hennisse- ments des chevaux et la voix menaçante de l’ennemi ; il recon- naît les cris de son cher Médor, et le voit seul, à pied, au milieu de nombreux cavaliers. Une centaine de cavaliers l’entourent. Zerbin commande et crie qu’on le fasse prisonnier. L’infortuné tourne comme la roue d’un tourneur, et se défend de son mieux, s’abritant tantôt der- rière un chêne, tantôt derrière un orme, un hêtre, ou un frêne, et sans jamais abandonner son cher fardeau. Enfin, ne pouvant plus le sauver, il le dépose sur l’herbe et combat tout autour. Telle l’ourse, assaillie dans sa tanière rocheuse par les chasseurs des Alpes, se tient près de ses petits, incertaine de ce qu’elle doit faire, et frémit tout à la fois de tendresse et de rage. La colère et son instinct féroce la poussent à jouer des griffes et à s’abreuver de sang ; mais l’amour maternel tempère sa fureur, et la retient auprès de ses oursons. Cloridan, qui ne sait comment venir en aide à Médor, veut mourir avec lui ; mais avant de mourir il songe à faire plus d’une victime. Il pose sur son arc une de ses flèches les plus acérées, – 392 –