Indigné et chagrin tout à la fois, il dit : « Tu ne resteras pas sans vengeance. » Et plein de courroux, il se retourne vers le chevalier qui a commis le meurtre ; mais celui-ci prenant l’avance, se dérobe à sa colère et s’enfuit. Cloridan, voyant Mé- dor par terre, s’élance hors du bois et se montre à découvert. Il jette son arc, et se précipite plein de rage, l’épée à la main, au milieu des ennemis, plutôt pour mourir que dans la pensée de tirer une vengeance qui le satisfasse. Bientôt, sous les coups de tant d’épées, son sang rougit le sable, et se sentant près d’expirer, il se laisse tomber à côté de son cher Médor. Les Écossais suivent leur chef qui marche à travers la forêt profonde, tout chagrin d’avoir laissé l’un des deux Sarrasins mort et l’autre à peine vivant. Depuis longtemps, le jeune Médor est étendu sur le gazon, et son sang s’échappe d’une si large blessure, que sa vie va s’éteindre, s’il ne survient pas quelqu’un pour lui porter secours. Le hasard conduit près de lui une damoiselle, aux vête- ments semblables à ceux d’une humble bergère, mais à l’air no- ble, au visage ravissant, aux manières à la fois hautaines et plei- nes de courtoisie. Il y a si longtemps que je ne vous en ai plus parlé, qu’à peine devrez-vous la reconnaître. C’est Angélique, si vous ne le savez pas ; c’est la fille altière du grand khan de Ca- thay. Depuis qu’Angélique a recouvré l’anneau que Brunel lui avait dérobé, son assurance et son orgueil sont devenus tels, qu’elle tient en mépris le monde entier. Elle s’en va seule, et n’accepterait pas pour compagnon le chevalier le plus fameux de l’univers. Elle s’indigne en songeant qu’elle a donné jadis le titre d’amant à Roland et à Sacripant. – 394 –