elle les presse et en reçoit le suc dans ses mains blanches. Elle le verse dans la plaie, et en frotte la poitrine, le ventre et les flancs de Médor. La vertu de cette liqueur est telle, que le sang s’arrête soudain, et que les forces reviennent au blessé. Il peut monter sur le cheval que le berger conduit. Mais il ne veut point s’éloigner avant que son maître ne soit dans la terre. Il le fait ensevelir, ainsi que Cloridan ; puis il se laisse conduire où il plaît à Angélique. La belle, par humanité, reste avec lui dans l’humble cabane du berger hospitalier. Elle ne veut point partir avant qu’il ne soit revenu à la san- té, tellement elle le tient en estime, tellement elle l’a pris en pitié depuis qu’elle l’a vu étendu sur la terre. Puis, en contemplant ses grâces et sa beauté, elle sent son cœur rongé comme par une lime, et le feu de l’amour l’embraser peu à peu tout entier. Le berger habitait une assez bonne et belle chaumière, si- tuée dans le bois, et blottie entre deux collines. Il l’avait peu au- paravant rebâtie tout à neuf, et il avait avec lui sa femme et ses enfants. C’est là que la blessure de Médor est promptement gué- rie par la donzelle. Mais, en moins de temps, elle se sent atteinte elle-même au cœur d’une blessure plus grande. Elle ressent, plus large et plus profonde, la blessure que lui a faite au cœur la flèche invisible lancée par l’archer ailé qui s’est caché dans les beaux yeux et la tête blonde de Médor. Elle se sent brûler d’un feu qui augmente sans cesse, et plus elle soi- gne le mal de son ami, moins elle a souci de son propre mal ; elle ne songe qu’à guérir celui qui la blesse et la fait souffrir elle- même. Sa plaie s’ouvre et s’agrandit à mesure que celle de Médor se guérit et se ferme. Le jeune homme recouvre la santé ; elle languit, en proie à une fièvre nouvelle, qui la glace et la brûle tour à tour. De jour en jour sa beauté s’étiole ; la malheureuse – 396 –