qu’elle fût toujours pendue à son cou, elle ne sentait jamais ses désirs entièrement satisfaits. Soit qu’elle restât enfermée ou qu’elle sortît de la cabane, elle avait jour et nuit le beau jouvenceau à son côté. Matin et soir elle parcourait l’une et l’autre rive, foulant aux pieds les ver- tes prairies. Dans le milieu du jour, tous deux se mettaient à l’abri sous une grotte non moins commode et agréable que celle qu’Énée et Didon, fuyant l’orage, rendirent jadis témoin fidèle de leurs secrets 76. Un de leurs plaisirs consistait à graver leur chiffre, avec un couteau ou un stylet, sur l’écorce de chaque arbre qu’ils voyaient dresser son ombre au-dessus d’une fontaine ou d’un pur ruis- seau. Ils en faisaient de même sur les rochers les moins durs ; les noms d’Angélique et de Médor, entrelacés ensemble de mille façons, couvraient aussi les murs de la cabane. Quand Angélique jugea qu’elle avait assez longtemps sé- journé dans cet endroit, elle résolut de retourner dans l’Inde, au Cathay, et de placer la couronne de son beau royaume sur la tête de Médor. Elle portait au bras un bracelet d’or, orné de riches pierreries, que le comte Roland lui avait donné, en témoignage du bien qu’il lui voulait. Elle le possédait depuis longtemps. Morgane le donna jadis à Ziliant77, pendant qu’elle le rete- nait captif dans le lac. Celui-ci, après avoir été rendu à son père Monodant, grâce au bras et à la valeur de Roland, donna le bra- celet au comte. Roland, qui était amoureux, consentit à passer à son bras le cercle d’or, dans l’intention de le donner à sa reine, dont je vous parle. 76 Énéide, chant IV. 77 Épisode du Roland amoureux de Boïardo. – 398 –