naud se dirige vers son cheval avec des soupirs qui paraissent sortir du feu, et, soit fureur, soit indignation, il jure, s’il joint Roland, de lui arracher le cœur. Et comme son Bayard passe à l’endroit où il attend, il se lance dessus et part au galop, sans plus dire adieu au chevalier qu’il laisse à pied dans le bois, et sans l’inviter à monter en croupe. Excité par son maître, le fougueux cheval heurte et fra- casse tout ce qui lui fait obstacle : fossés, fleuves, rochers ou broussailles, rien ne peut d’un tel coureur modérer l’allure. Seigneur, je ne veux pas qu’il vous paraisse étrange si Re- naud s’est saisi si promptement de son destrier, car déjà depuis plusieurs jours il l’a suivi en vain et n’a pu même lui toucher la bride. Le destrier, qui avait intelligence d’homme, agit ainsi non pour se faire suivre par malice pendant tant de milles, mais pour guider son maître là où était la dame après laquelle il l’entendait soupirer. Quand elle s’enfuit de la tente, il la vit et la suivit des yeux, le bon destrier qui se trouvait avoir l’arçon vide – le chevalier en étant descendu pour combattre à armes égales avec un baron qui, non moins que lui, était fier sous les armes. – Puis, il suivit de loin ses traces, désireux de la porter aux mains de son maî- tre. Désireux de la ramener de l’endroit où elle serait, il se montrait par la grande forêt devant son maître, et ne voulait pas le laisser monter en selle, de peur que ce dernier ne l’engageât par un autre chemin. Grâce à lui, Renaud trouva la donzelle une et deux fois, mais sans succès. La première fois, il fut arrêté par Ferragus, puis par le Circassien, comme vous avez entendu. Maintenant, au démon qui montre à Renaud les fausses apparences de la donzelle, Bayard croit, lui aussi, et se montre ferme et soumis à ses services habituels. Renaud, de colère et – 40 –