Les ballots, les caisses, et tous les objets les plus lourds, sont jetés par-dessus la proue et la poupe ; les cabines, les ma- gasins et les riches marchandises qu’ils renferment deviennent la proie des ondes. Les uns travaillent aux pompes, et cherchent à rejeter dans la mer l’eau qui remplit le navire ; les autres répa- rent dans la cale les endroits où la mer a causé des avaries. Au bout de quatre jours passés au milieu de ces fatigues et de ces angoisses, ils étaient au bout de leurs forces, et la mer en aurait eu complètement raison, pour peu que sa fureur eût continué. Mais la vue du feu Saint-Elme, qui vint se poser sur la corniche de la proue – car ils n’avaient plus ni mâts ni antennes – leur fit espérer une prochaine accalmie. À la vue de la flamme éclatante, les navigateurs s’agenouillèrent tous, et les yeux humides de larmes, la voix tremblante, ils implorèrent une mer tranquille. La tempête cruelle, jusqu’alors si tenace, s’arrêta soudain ; le mistral et l’aquilon laissèrent le navire en paix ; et le vent du Sud-Ouest régna seul sur la mer. Il sortait avec tant de force de sa noire caverne, et produi- sait sur la surface de la mer agitée un courant si rapide, qu’il entraînait le navire plus rapidement que le faucon emporté sur ses ailes. Le nocher craignait déjà de le voir poussé jusqu’à la fin du monde, ou rompu en mille pièces et submergé. Mais il trouva bientôt le moyen d’y remédier. Il fit jeter des fascines le long de la poupe et lâcher les câbles, ce qui ralentit des deux tiers la vitesse du bâtiment. Cette manœuvre, ajoutée à l’heureux présage causé par la vue du feu Saint-Elme brillant à la proue, sauva le navire qui aurait probablement péri sans cela, et lui permit de regagner en toute sûreté la haute mer. Ils arrivèrent enfin dans le golfe de Laias, sur la côte de Sy- rie, en face d’une grande cité. Ils étaient si près du rivage, qu’ils – 401 –