Astolphe ne peut s’empêcher de rire en apprenant l’étrange loi de ce pays. Surviennent Sansonnet, puis Marphise, Aquilant et son frère. Le patron leur raconte également le motif qui le retient loin du port. « J’aime mieux – ajoute-t-il – être englouti par la mer que subir le joug de la servitude. » Les matelots, et tous les autres passagers, furent de l’avis du patron. Mais Marphise et ses compagnons furent d’un avis contraire, le rivage leur paraissant plus sûr que la mer. Il leur semblait plus pénible de se voir entourés par les vagues en cour- roux, que de se trouver au milieu de cent mille épées. Ils redou- taient fort peu ce pays, ni tout autre où ils pouvaient se servir de leurs armes. Les guerriers désirent aborder, surtout le duc anglais qui sait qu’avec le son de son cor il peut mettre en fuite tous les ha- bitants de la contrée. Une partie des passagers approuve ce pro- jet, l’autre le blâme. Une discussion s’engage. Mais le plus grand nombre se déclarent contre l’avis du patron, et le forcent à se diriger malgré lui vers le port. À peine les a-t-on découverts de la cité cruelle, qu’une ga- lère garnie d’une chiourme nombreuse et de matelots expéri- mentés, s’en vient droit au malheureux navire où règnent l’incertitude et la confusion. La galère attache à sa poupe la proue du bâtiment, et le remorque hors de la mer impitoyable. On entre au port à force de rames plutôt qu’à l’aide de la voile, car l’alternance des brises du Sud et du Nord a fini par faire tomber le vent. Pendant ce temps, les chevaliers repren- nent leurs dures cuirasses et ceignent leur fidèle épée, tout en cherchant à rendre le courage et l’espoir au patron et aux autres passagers qui tremblent de peur. Le port ressemble au croissant de la lune, et a plus de qua- tre milles de tour ; l’entrée est large de six cents pas, et à chaque – 403 –