» Je veux que désormais, jusqu’à la fin des siècles, les étrangers n’aient plus à redouter ce pays. » Ainsi elle dit, et ses compagnons ne peuvent lui refuser de tenter l’aventure. Donc, ils lui laissent courir la chance ou de tout perdre, ou de conqué- rir leur liberté. Quant à elle, déjà armée de toutes pièces, elle se présente en champ clos pour la bataille. Au sommet de la ville, s’élève une place tout entourée de gradins, et qui sert uniquement à de semblables épreuves, aux joutes, aux chasses et aux jeux publics. Quatre portes de bronze en ferment l’entrée. Là pénètre la multitude confuse des femmes armées ; puis on dit à Marphise d’entrer. Marphise fait son entrée sur un destrier blanc, moucheté de taches grises, à la tête petite, au regard de feu, à l’allure su- perbe et aux formes accomplies. Il avait été choisi à Damas en- tre mille qui y étaient tout bridés et sellés, comme le meilleur, le plus beau et le plus vaillant ; et, après l’avoir fait royalement harnacher, Norandin l’avait donné à Marphise. Marphise entre par la porte du Sud. À son arrivée, l’arène retentit du son clair et aigu des trompettes. Un instant après, ses dix adversaires entrent dans la lice par la porte du Nord. Le chevalier qui marche à leur tête, semble valoir tous les autres ensemble. Il s’avance sur un grand destrier qui, sauf le front et le pied gauche où se montrent quelques poils blancs, est plus sombre et plus noir qu’un corbeau. Les armes du chevalier, de la même couleur, semblent indiquer que son âme est aussi éloignée de la joie que les ténèbres le sont de la lumière. Aussitôt que le signal du combat est donné, les neuf autres champions baissent tous ensemble la lance. Mais le chevalier aux armes noires dédaigne l’avantage du nombre ; il se retire de – 406 –