chose nouvelle pour moi, et je ne me fatigue pas pour si peu, – dit Marphise – j’espère te le prouver bientôt à ton détriment. » Je te rends grâce de ta courtoisie, mais je n’ai pas encore besoin de me reposer, et le jour est tellement peu avancé, qu’il y aurait vraiment vergogne à le passer tout entier dans l’oisiveté. » Le chevalier répondit : « Que ne puis-je satisfaire ce que mon cœur désire, aussi facilement que je puis te satisfaire en cette circonstance ! Mais prends garde que le jour ne te man- que plus que tu ne crois. » Ainsi il dit, et il fait porter en toute hâte deux grosses lan- ces, ou plutôt deux lourdes antennes. Il donne le choix à Mar- phise, et prend pour lui celle qui reste. Déjà les deux adversaires sont à leur place, et l’on n’attend plus que le signal du combat. Soudain, la terre, l’air et la mer retentissent et tressaillent quand ils s’ébranlent au premier son de la trompette. Parmi les spectateurs, on n’en verrait pas un qui ne re- tienne son haleine. Les lèvres fermées, les yeux fixes, ils atten- dent, avec anxiété, de savoir lequel des deux champions rem- portera la victoire. Marphise dirige sa lance pour désarçonner le chevalier noir de façon qu’il ne se relève plus ; de son côté, le chevalier noir ne s’étudie pas moins à mettre Marphise à mort. Les lances, toutes deux en bois de saule sec et léger, au lieu d’être en chêne lourd et dur, se brisent jusqu’à la poignée. Le choc est si terrible, qu’il semble que les destriers aient tous les nerfs des jambes coupés d’un coup de faux. Tous deux tombent ; mais les cavaliers sont également prompts à se dégager des étriers. Depuis qu’elle tient une lance, Marphise a enlevé de selle, au premier choc, plus de mille chevaliers, et jamais elle n’a vidé les arçons. Elle les vide, cette fois, comme vous venez de l’entendre. Elle n’est pas seulement surprise de ce cas étrange, – 409 –