elle en reste comme stupéfiée. Le chevalier noir ne trouve pas sa propre chute moins étrange, car il n’est pas habitué à être dé- sarçonné facilement. Ils ont à peine touché la terre, qu’ils sont sur pied, et re- commencent le combat. Ils frappent en furieux de la taille et de la pointe, parant tantôt avec l’écu, tantôt avec l’épée, tantôt en bondissant de côté et d’autre. Les coups tombent en plein ou à vide ; l’air en siffle et en retentit longuement. Les casques, les hauberts, les écus font voir qu’ils sont plus solides que des en- clumes. Si le bras de la rude donzelle est lourd, celui du chevalier ennemi n’est pas léger. Des deux côtés, les forces sont égales ; si l’un porte un coup, il en reçoit sur-le-champ un pareil. Pour trouver deux cœurs fiers, audacieux, intrépides, il n’est pas be- soin de chercher ailleurs que chez ces deux-là ; on ne pourrait non plus trouver plus de dextérité ni plus de force que n’en ont les deux combattants. Les femmes, qui depuis un grand moment admirent cette succession de coups terribles, et qui ne saisissent aucun signe de faiblesse ou de fatigue chez les chevaliers, les proclament les deux meilleurs guerriers qui soient au monde. Il leur semble que, s’ils n’avaient pas une force plus qu’ordinaire, ils devraient être morts rien que de fatigue. Marphise, réfléchissant, se disait à elle-même : « Il a été heureux pour moi que celui-ci ne se soit pas mis plus tôt de la partie ; car, s’il avait été tout d’abord avec ses compagnons, je courais le risque d’être tuée, puisque j’ai peine, maintenant qu’il est seul, à résister à ses coups. » Ainsi disait Marphise, sans dis- continuer toutefois de faire tournoyer son épée. « Il a été heureux pour moi – disait de son côté son adver- saire – que je n’aie pas laissé celui-ci se reposer. C’est à – 410 –