grand’peine que je puis m’en défendre, maintenant qu’il est fa- tigué de la première lutte. Qu’aurait-ce été, s’il avait pu repren- dre toute sa force, en se reposant jusqu’à demain ? J’ai été aussi heureux qu’on peut l’être, qu’il n’ait pas voulu accepter ce que je lui offrais. » La bataille dura jusqu’au soir, sans que l’on pût déclarer le- quel des deux avait l’avantage. L’obscurité ne leur aurait pas permis de continuer la lutte. La nuit venue, le chevalier fut le premier à dire courtoisement à l’illustre guerrière : « Que faire, puisque la nuit importune nous a surpris avec des chances éga- les ? » Il me semble que le meilleur est de prolonger ton exis- tence au moins jusqu’à ce qu’il fasse jour. Je ne puis t’accorder de vivre au delà d’une nuit ; mais je désire que tu ne m’accuses pas, si je ne te laisse pas un plus long répit. Je ne veux pas que la faute en soit rejetée sur moi, mais sur l’impitoyable loi impo- sée par le sexe féminin qui gouverne ici. » Celui pour qui rien n’est obscur sait si je te plains, toi et tous les tiens. Tu peux venir dans ma demeure avec tes compa- gnons ; partout ailleurs, tu ne serais point en sûreté, parce que les femmes dont tu as tué aujourd’hui les maris sont déjà conju- rées contre toi, et chacun de ceux à qui tu as donné la mort était le mari de dix femmes. » Quatre-vingt-dix femmes brûlent de se venger du dom- mage que tu leur as causé ; de sorte que, si tu ne viens pas loger chez moi, tu dois t’attendre à être attaqué cette nuit. » Marphise dit : « J’accepte ton hospitalité ; je suis sûre qu’elle ne sera pas au-dessous de ta loyauté et de la bonté de ton cœur, ainsi que de ton courage et de ta valeur corporelle. » Mais ne te tourmente pas à l’idée que tu dois me tuer ; tu peux bien plutôt être tourmenté d’une idée contraire. Jusqu’ici, – 411 –