» Mais avant d’en arriver là, elles en immolèrent un grand nombre jugés trop faibles pour cette rude besogne. Enfin, après en avoir mis dix à l’épreuve, elles leur firent partager leur lit et leur puissance, à la condition toutefois que, si d’autres hommes plus vigoureux abordaient dans leur port, ils seraient sans pitié passés au fil de l’épée. » Plus tard, devenues grosses, et ayant donné le jour à des fils, elles en vinrent à craindre qu’il leur naquît tellement d’enfants mâles, qu’elles ne pussent plus se défendre d’eux, et que l’autorité, qui leur était si chère, ne finît par retomber aux mains des hommes. Elles prirent donc leurs mesures, pendant que leurs enfants mâles étaient encore tout jeunes, pour n’avoir point à redouter dans la suite leur rébellion. » Pour que le sexe masculin ne vînt pas un jour à les subju- guer, elles instituèrent une loi horrible qui ne permettait à cha- que mère de garder qu’un seul enfant mâle. Tous les autres de- vaient être étouffés, ou bien échangés et vendus hors du royaume. Ils étaient envoyés en tous lieux, et ceux à qui on les confiait avaient pour instructions formelles de rapporter des filles s’ils pouvaient en trouver en échange, et, dans le cas contraire, de ne pas revenir du moins les mains vides. » Elles n’auraient même pas consenti à en garder un seul, si elles avaient pu conserver leur peuple sans leur concours. Telle était la pitié, la clémence de ces femmes, qu’elles étaient plus cruelles envers leurs propres fils qu’envers les étrangers. Ceux-ci continuèrent à subir le même sort ; seulement la loi fut corrigée en ceci qu’on ne les tua plus indistinctement comme autrefois. » S’il en arrivait dix, vingt ou un plus grand nombre à la fois, ils étaient emprisonnés, et chaque jour l’un d’eux seule- ment était tiré de prison pour être immolé dans l’horrible tem- – 420 –