ple qu’Orontée avait fait élever, et où se trouvait un autel dédié à la Vengeance. Et c’était à l’un de leurs dix époux désigné par le sort, qu’était réservé le soin de procéder au cruel sacrifice. » Un grand nombre d’années après, un jeune homme, qui descendait du brave Alcide, et de grande valeur sous les armes, fut jeté sur ces bords inhospitaliers. Il s’appelait Elban. Comme il s’avançait sans aucune défiance, il fut pris avant même de s’en être aperçu, et fut enfermé sous bonne garde, dans une étroite prison où on le garda avec d’autres, pour l’immoler selon l’usage cruel. » Son visage était si beau et si séduisant, ses manières et sa tournure si distinguées, son langage si doux et si éloquent, qu’un aspic lui-même se serait arrêté pour l’écouter ; si bien qu’on en parla, comme de la chose la plus rare qui fût au monde, à Alexandra, fille d’Orontée, laquelle, quoique courbée sous le nombre des années, vivait encore. » Orontée vivait encore. Toutes celles qui étaient arrivées en ce pays avec elle étaient mortes ; mais d’autres étaient nées, et en si grand nombre, que pour chaque dizaine il n’y avait pas même un mari ; d’autant plus que les dix chevaliers avaient soin de faire aux arrivants une rude réception. » Alexandra, désireuse de voir le jouvenceau qu’on lui avait tant vanté, obtint de sa mère, à force de prières, de voir et d’entendre Elban. Quand elle le quitta, elle sentit, à l’oppression qui l’étouffait, qu’elle lui laissait son cœur. Elle se sentit lier sans même essayer de résister, et se trouva prise par son propre prisonnier. » Elban lui dit : “Femme, si la pitié qui règne dans les au- tres contrées que le soleil dans sa course vagabonde éclaire et colore avait encore quelque pouvoir ici, j’oserais, au nom de la beauté de votre âme dont tout cœur sensible doit s’énamourer, – 421 –