nous saurions encore le faire si nous ne craignions pas de voir notre postérité s’éteindre un jour. » ”C’est parce que nous ne pouvions pas avoir de postérité sans leur concours, que nous les avons admis à nos côtés, mais à la condition qu’ils ne seraient jamais plus d’un contre dix d’entre nous, afin qu’ils ne pussent nous dominer. Nous avons fait cela pour avoir d’eux des enfants, et non pour le besoin de notre défense. Leur vaillance ne servirait à rien pour ce qu’ils ont à faire, et nous serait dangereuse ou inutile pour le reste. » ”Avoir au milieu de nous un homme si puissant, est en- tièrement contraire à notre but principal. S’il peut, à lui seul, donner la mort à dix hommes, combien de femmes ne fera-il pas taire d’un signe ? Si nos dix champions avaient été aussi forts, ils nous auraient enlevé le pouvoir dès le premier jour. Ce n’est pas un bon moyen de conserver le pouvoir que de donner des armes à plus forts que nous. » ”Songe aussi que si la fortune est assez favorable à ton prisonnier pour qu’il tue ses dix adversaires, tu auras à suppor- ter les cris et les reproches des cent femmes qui resteront pri- vées de leurs maris. S’il veut échapper à la mort, qu’il fasse une autre proposition que celle de tuer dix jeunes hommes. Si par exemple, il peut faire auprès de cent femmes ce que feraient dix autres hommes, alors qu’on l’épargne !” » Tel fut l’avis de la cruelle Artémise – elle se nommait ain- si – et elle faillit être cause qu’Elban fût conservé pour être im- molé dans le temple aux divinités impitoyables. Mais Orontée, qui voulait en bonne mère complaire à sa fille, lui répliqua par de nouvelles raisons, et finit par faire prévaloir son avis dans le Sénat. » La réputation qu’avait Elban de surpasser en beauté tous les chevaliers du monde, fut d’un tel poids sur l’esprit des jeunes – 424 –