» Pendant deux mille ans, cette coutume impitoyable s’est maintenue, et elle se maintient encore ; peu de jours se passent sans qu’un malheureux voyageur soit égorgé dans le temple. Si quelqu’un, à l’exemple d’Elban, demande à combattre – et il s’en trouve quelquefois – il perd la plupart du temps la vie dans le premier assaut, et sur mille, pas un ne surmonte la deuxième épreuve. » Quelques-uns cependant la surmontent, mais ils sont si rares, qu’on pourrait les compter sur les doigts. Argilon fut un de ceux-là ; mais il ne resta pas roi longtemps à la tête de sa di- zaine, car les vents contraires m’ayant poussé ici, je lui fermai les yeux d’un éternel sommeil. Que ne suis-je mort avec lui ce jour-là, plutôt que de vivre esclave dans une telle honte ! » Les plaisirs amoureux, les ris et les jeux que tous les jeu- nes hommes de mon âge aiment tant ; la pourpre, les pierreries, et le rang suprême dans son pays, n’ont, par Dieu ! jamais pu contenter un homme privé de sa liberté. Quant à moi, ne pou- voir pas m’en aller d’ici, me paraît une servitude lourde et into- lérable. » L’idée que la plus belle fleur de mes meilleures années se consume dans une tâche si vile et si efféminée, tient mon cœur en un continuel émoi, et m’enlève tout sentiment du plaisir. La renommée de ma famille déploie ses ailes sur le monde entier et s’envole jusqu’aux cieux. Peut-être en aurais-je aussi ma bonne part, si je pouvais rejoindre mes frères. » Il me semble que le destin m’a fait injure en me choisis- sant pour un si vil service. C’est ainsi que, dans le troupeau, on rejette avec dédain le destrier qui a un défaut à l’œil ou au pied, ou qu’un accident a rendu impropre aux combats ou à un meil- leur usage. N’espérant pas sortir d’un si honteux esclavage au- trement que par la mort, je désire mourir. » – 426 –