mes épouses qui m’a souvent donné de son profond amour de plus fortes preuves que celle que je lui demanderai aujourd’hui. » Non moins que moi, elle désire se soustraire à cette servi- tude pour me suivre ; car elle espère, une fois débarrassée de ses rivales, vivre seule avec moi. Elle fera, pendant que l’obscurité règne encore, préparer dans le port une fuste ou un brigantin que vos matelots trouveront tout disposé pour partir, dès qu’ils y seront arrivés. » Derrière moi, vous tous, chevaliers, marchands et mate- lots, qui avez été forcés malgré vous de recevoir l’hospitalité sous mon toit, vous aurez à vous frayer un large sentier avec vos poitrines dans le cas où le chemin nous serait intercepté. Ainsi j’espère, avec l’aide de nos épées, vous tirer de la cruelle cité. » « Fais comme bon te semble, – dit Marphise ; – pour moi, je suis sûre de sortir par ma propre énergie. Il m’est plus facile d’occire de ma main tous ceux qui sont dans ces murs, que de fuir ou de donner le moindre signe de crainte. Je veux sortir en plein jour, et par la seule force des armes, car tout autre moyen me paraît honteux. » Je sais que, si l’on savait que je suis une femme, je serais comblée ici d’honneurs et de récompenses, et qu’on m’y donne- rait volontiers une des premières places dans le Conseil ; mais étant venue avec ceux-ci, je n’entends pas jouir de plus de privi- lèges qu’eux. Ce serait une trop grande lâcheté que de rester libre ici, ou de m’en aller libre, laissant les autres dans l’esclavage. » Ces paroles, et d’autres encore qui suivirent, montraient que la seule crainte d’augmenter le péril que couraient ses com- pagnons – son trop d’ardeur pouvait en effet tourner à leur dé- triment – empêchait Marphise d’attaquer de vive force la multi- – 429 –