fuir, elle se précipite en bas de l’amphithéâtre, affolée et pâle comme la mort, et abandonne la garde des portes. De même qu’on voit se jeter d’une fenêtre ou d’un lieu éle- vé, une famille surprise par le feu dont elle se voit entourée de tous côtés, et qui, pendant que la famille dormait, a crû peu à peu ; ainsi, oubliant le soin de leur vie, toutes les femmes fuyaient le son épouvantable. Deçà, delà, en haut, en bas, la foule court éperdue, et se hâte de fuir. Elles s’entassent plus de mille à chaque porte. Elles tombent par monceaux, et s’embarrassent les unes les autres. Beaucoup perdent la vie au milieu d’une telle précipitation ; d’autres s’élancent des balcons et des fenêtres ; plus d’un bras et plus d’une tête sont rompus ; les unes se tuent du coup, les au- tres restent estropiées. Les pleurs et les cris montent ensemble vers le ciel, mêlés au fracas des ruines. Partout où le son du cor arrive, la foule épouvantée accélère sa fuite. Si vous m’entendez dire que la vile plèbe manque en cette circonstance de courage et qu’elle mon- tre peu de cœur, ne vous en étonnez pas ; la nature du lièvre est d’avoir toujours peur. Mais que direz-vous de Marphise jusque-là si fière, de Gui- don le Sauvage, des deux fils d’Olivier qui ont déjà tant honoré leur race ? Jusqu’ici, ils ont toujours estimé cent mille adversai- res autant qu’un zéro ; et maintenant, ils fuient sans le moindre courage, comme des lapins ou de timides colombes qui ont en- tendu retentir près d’eux une grande rumeur. Ainsi le cor enchanté faisait sentir son pouvoir néfaste aux amis comme aux ennemis. Sansonnet, Guidon et les deux frères fuient derrière Marphise épouvantée, et ils ne peuvent fuir assez loin pour que leur oreille ne soit pas étourdie. Astolphe parcourt la ville de tous côtés, soufflant de plus en plus dans le cor. – 432 –