Toutes fuient : les unes descendent vers le port, les autres gagnent la montagne ; d’autres courent se cacher dans les bois. Quelques-unes, sans se retourner, fuient pendant dix jours. Un grand nombre s’avancent tellement hors du port, qu’elles péris- sent dans les flots. Elles abandonnent à tel point les places, les temples et les maisons, que la ville semble vide. Marphise, le brave Guidon, les deux frères et Sansonnet, pâles et tremblants, fuyaient vers la mer ; derrière eux, fuyaient les matelots et les marchands. Ils trouvèrent Aléria qui, entre les deux châteaux forts, leur avait préparé un navire. Après s’y être réunis en toute hâte, ils firent force de rames et déployèrent tou- tes les voiles. Le duc avait parcouru la cité, à l’intérieur et à l’extérieur depuis les collines jusqu’à la mer ; partout il avait fait déserter les lieux ; chacun le fuyait, chacun se cachait à son approche. On en trouva un grand nombre qui, par lâcheté, s’étaient blotties dans des endroits secrets et immondes ; beaucoup d’autres, ne sachant où aller, s’étaient jetées à la nage et se noyèrent. Le duc vient alors pour rejoindre ses compagnons qu’il croit retrouver sur le môle. Il regarde tout autour de lui sur la plage déserte, et n’en voit pas un seul. Il lève enfin les yeux, et les aperçoit qui s’éloignent à pleines voiles. Alors il est obligé de choisir une autre voie, puisque le navire qui devait l’emmener est parti. Mais laissons-le aller. Ne vous inquiétez pas du long che- min qu’il a à parcourir seul sur la terre des infidèles et des bar- bares, où l’on ne marche jamais sans crainte. Il n’est pas de péril dont il ne puisse sortir grâce à son cor, et nous venons de le voir. Occupons-nous de ses compagnons qui fuient sur mer, tout tremblants de peur. – 433 –