» Aussitôt que ce voleur – qu’il soit un mortel, ou l’une des âmes abominables de l’enfer, – voit ma belle et chère dame, comme un faucon qui pour frapper descend, il fond et remonte en un clin d’œil, après l’avoir saisie tout éperdue en ses mains. Je ne m’étais pas encore aperçu de l’attaque, que j’entendis en l’air le cri de la dame. » Ainsi le milan rapace a coutume de ravir le malheureux poussin à côté de sa mère, qui se plaint ensuite de son inadver- tance et, derrière le ravisseur, en vain crie, en vain se courrouce. Je ne puis suivre un homme qui vole et qui va se réfugier au mi- lieu des montagnes, au pied d’un rocher à pic. J’ai lassé mon destrier qui, à grand’peine, a porté partout ses pas dans les fati- gants sentiers de ces âpres rochers ; » Mais, comme j’aurais eu moins d’ennui de me voir arra- cher le cœur du fond de la poitrine, je laissai mes autres compa- gnons suivre leur chemin, sans plus leur servir de guide et sans aucune direction. Par des coteaux escarpés et non moins af- freux, je pris la voie qu’Amour me montrait, et j’allai là où il me parut que ce ravisseur emportait mon confort et ma paix. » Six jours j’allai, matin et soir, à travers des précipices et des ravins horribles et ignorés, où n’était ni chemin, ni sentier, où l’on ne voyait trace de vestiges humains. Puis j’arrivai dans une vallée inculte et sauvage, entourée de berges et de cavernes effroyables. Au milieu, sur un rocher, était un château fort et bien assis, et merveilleusement beau. » De loin il projetait de flamboyantes lueurs et ne parais- sait être ni de briques, ni de marbre. Plus j’approchai de ses murs splendides, et plus la construction m’en parut belle et ad- mirable. J’ai su depuis comment les démons industrieux, évo- qués par des enchantements et des chants magiques, avaient entièrement entouré cette belle demeure d’un acier trempé dans les ondes et les feux de l’enfer. – 44 –