chevaux qui s’étaient enfuis étaient restées attachées dans l’écurie ; parmi elles, il choisit et trouve, après plusieurs essais, un mors qui va à l’hippogriffe, et maintenant la pensée d’abandonner Rabican le fait seule retarder de prendre son vol. Il avait bien raison de tenir à Rabican, car il n’y en avait pas un meilleur pour courir une lance. Il était revenu sur son dos de l’extrémité de l’Inde jusqu’en France. Il réfléchit longtemps ; puis il se décida à le donner en garde à quelque ami, plutôt que de l’abandonner sur la route à la merci du premier qui viendrait à passer. Il regardait de tous côtés, s’il ne verrait point venir à tra- vers le bois un chasseur ou un paysan, à qui il pût confier Rabi- can pour le conduire dans quelque ville. Il attendit en vain tout ce jour, jusqu’au lever du jour suivant. Le lendemain matin, comme l’air était encore obscurci par la brume, il lui sembla voir un chevalier sortir du bois. Mais il faut, avant de vous dire le reste, que j’aille retrouver Roger et Bradamante. Aussitôt que le cor s’est tu, et que le beau couple est à une certaine distance du château, Roger regarde autour de lui et reconnaît aussitôt celle dont Atlante lui a jus- qu’alors caché la présence. Jusqu’à ce moment Atlante avait si bien fait, qu’ils n’avaient pu se reconnaître ni l’un ni l’autre. Roger regarde Bradamante, et Bradamante regarde Roger. Tous deux s’étonnent hautement qu’une illusion ait pu tromper pendant tant de jours leur âme et leurs yeux. Roger serre dans ses bras sa belle dame qui devient plus vermeille que la rose ; puis il cueille sur sa bouche les premières fleurs de ses heureu- ses amours. Les deux fortunés amants redoublent mille fois leurs em- brassements ; ils se tiennent étroitement serrés, et leur bonheur est si grand, que leur poitrine peut à peine contenir une telle – 465 –