homme n’a pas encore été mis à mort, on ne le tuera pas, sois- en sûre. » Roger, dont le cœur veut tout ce que veut sa dame, et dont la pitié est aussi excitée, se sent enflammé du désir de ne pas laisser périr le jouvenceau. Il dit à la dame, des yeux de laquelle tombe un ruisseau de pleurs : « Or, qu’attends-tu ? Il faut le secourir et non pleurer. Conduis-nous vers lui. Pourvu que tu nous mènes rapidement, nous te promettons de le sauver, fût-il au milieu de mille lances, de mille épées. Mais hâtons le pas le plus possible, afin que no- tre aide n’arrive pas trop tard, car pendant que nous parlons, le feu brûle. » Le langage assuré, la fière prestance de ce couple merveil- leusement hardi, raniment dans le cœur de la dame l’espoir qui en était complètement sorti. Mais, comme elle craint moins la longueur du chemin que les obstacles qui peuvent leur barrer la route et rendre leur entreprise vaine, la dame hésite sur la direc- tion qu’elle doit prendre. Puis elle leur dit : « En prenant la voie qui conduit tout droit par la plaine jusqu’au château, je crois que nous arrive- rions à temps, et que le bûcher ne serait pas encore allumé. Mais il nous faut suivre un chemin si rude et si tortueux, que nous ne pourrons en sortir avant la fin du jour, et quand nous serons arrivés, je crains que nous ne trouvions le jouvenceau mort. » « Et pourquoi – dit Roger – n’irions-nous pas par la voie la plus courte ? » La dame répondit : « Parce qu’il se trouve sur cette route un château des comtes de Poitiers, où, il y a à peine trois jours, une coutume honteuse et dure pour les chevaliers et pour les dames, a été imposée par Pinabel, le fils du comte An- selme d’Hauterive et le plus méchant homme qui soit. – 468 –