» Chaque chevalier, chaque dame qui passent, ne s’en vont pas sans avoir subi l’outrage et la violence. Les uns et les autres doivent mettre pied à terre ; le chevalier doit dépouiller ses ar- mes, et la damoiselle ses vêtements. Il n’y a pas, et il n’y a pas eu depuis de nombreuses années, de meilleurs chevaliers que les quatre qui ont juré de maintenir dans le château la loi imposée par Pinabel. » Je veux vous raconter à quelle occasion a été faite cette loi qui n’existe que depuis trois jours, et vous verrez la raison, bonne ou mauvaise, qui a contraint les quatre chevaliers à jurer. Pinabel a une dame si méchante et si bestiale, qu’il n’y a pas sa pareille au monde. Allant un jour avec elle, je ne sais où, il fit la rencontre d’un chevalier qui lui fit subir grande honte. » Le chevalier, ayant été raillé par la maîtresse de Pinabel à propos d’une vieille qu’il portait en croupe, jouta contre Pinabel, qui était doué de peu de vigueur et de trop d’orgueil. Le cheva- lier lui fit vider les arçons, força sa compagne à descendre de cheval, et pour savoir sans doute si elle marchait droit ou si elle boitait, la laissa à pied, après avoir fait revêtir ses vêtements à la vieille damoiselle. » Celle qui était restée à pied, pleine de dépit, et avide, alté- rée de vengeance, suivit Pinabel toujours disposé à la seconder là où il y aurait du mal à faire. Elle ne dormait ni jour ni nuit, et elle finit par lui dire qu’elle ne serait contente qu’après qu’il au- rait forcé mille chevaliers et mille dames à mettre pied à terre, et à quitter leurs armes et leurs vêtements. » Le même jour, le hasard conduisit dans son château qua- tre valeureux chevaliers, arrivés depuis peu des contrées les plus lointaines. Leur valeur est telle, que notre époque n’en a pas de meilleurs. Ils se nomment Aquilant, Griffon et Sansonnet ; le quatrième, Guidon le Sauvage, est un tout jeune homme. – 469 –