» Pinabel, avec un grand semblant de courtoisie, les ac- cueillit au château que je vous ai dit. Puis, pendant la nuit, il les fit prendre dans leur lit, et ne leur rendit la liberté qu’après leur avoir fait jurer que, pendant un an et un mois, – ce fut le terme précis qu’il exigea, – ils habiteraient le château et dépouille- raient tous les chevaliers errants qui passeraient. » Quant aux damoiselles qui seraient avec eux, ils devaient les faire descendre de cheval et leur enlever leurs vêtements. Ayant fait un tel serment, ils furent forcés de le tenir, quelque ennui, quelque chagrin qu’ils en eussent. Jusqu’à présent, ils n’ont trouvé personne qui ait pu leur résister et qui n’ait dû mettre pied à terre ; et déjà beaucoup s’en sont retournés à pied et sans leurs armes. » Ils ont établi entre eux que celui dont le nom serait le premier désigné par le sort combattrait seul. Mais, s’il advenait que l’ennemi fût assez fort pour rester en selle et désarçonner son adversaire, les autres seraient obligés de combattre tous à la fois, jusqu’à la mort. Chacun d’eux étant redoutable, vous voyez ce qu’ils doivent être quand ils sont tous ensemble. » Il importe qu’aucun retard, qu’aucun obstacle ne vienne s’opposer à notre entreprise ; il faut donc éviter ce combat. Je suppose que vous en sortiriez vainqueurs, et votre fière pres- tance me donne la certitude qu’il en serait ainsi ; mais la chose ne se ferait point en une heure, et il est à craindre que le jouven- ceau ne soit livré aux flammes, s’il n’est pas secouru aujourd’hui même. » Roger dit : « Ne nous inquiétons pas de cela. Faisons de notre côté tout ce qu’il nous sera possible de faire, et laissons le reste à celui qui gouverne le ciel, ou, à son défaut, à la fortune. Tu pourras voir, par ce combat, si nous sommes assez bons pour venir en aide à celui qu’on doit aujourd’hui brûler pour une faute si légère et si douce. » – 470 –