gez si les autres peines amères dont Amour est cause peuvent se comparer à la mienne. » Le chevalier retomba dans sa première douleur, dès qu’il en eut raconté la cause. C’était le comte Pinabel, fils d’Anselme d’Hauterive, de Mayence. Parmi sa scélérate famille, il ne voulut pas être seul loyal ni courtois ; au contraire, en vices abomina- bles et grossiers non seulement il égala, mais il passa tous les siens. La belle dame avec diverses marques d’attention écouta le Mayençais. Lorsqu’il fut pour la première fois parlé de Roger, elle se montra sur son visage plus que jamais joyeuse. Mais, quand ensuite elle apprit qu’il était prisonnier, elle fut toute troublée d’amoureuse pitié. Elle ne put même se retenir de lui faire répéter une ou deux fois ses explications. Et lorsqu’à la fin elles lui parurent assez claires, elle dit : « Chevalier, tranquillise-toi, car ma venue peut-être pourra t’être chère, et ce jour te paraître heureux. Mais allons vite vers cette demeure avare qui tient caché si riche trésor. Et cette fati- gue ne sera pas vaine, si la fortune ne m’est pas trop ennemie. » Le chevalier répondit : « Tu veux que je passe de nouveau les monts et que je te montre le chemin. Il ne m’en coûte pas beaucoup de perdre mes pas, ayant perdu ce qui faisait tout mon bien. Mais toi, à travers les précipices et les rochers écrou- lés, tu cherches à entrer en prison ! qu’il en soit ainsi. Tu n’auras pas à t’en prendre à moi, puisque je te le prédis, et que cepen- dant tu veux y aller. » Ainsi dit-il, et il retourne à son destrier, et se fait le guide de cette guerrière pleine d’ardeur à affronter les périls pour Ro- ger, et qui ne pense qu’à être à son tour faite prisonnière par le magicien, ou à le tuer. Sur ces entrefaites, voici derrière ses épaules un messager qui, à toute voix, lui crie : Attends, at- – 48 –