ses larmes forment une tempête de douleur. Après une longue attente, elle voit enfin poindre à l’orient l’aurore désirée ; elle prend son destrier, qui paissait aux alentours, et elle marche à l’opposé du soleil. Au bout de quelques pas elle sort du bois, à l’endroit même où s’élevait auparavant le château où, pendant tant de jours, le méchant magicien l’avait tenue dans une erreur si grande. Là, elle trouve Astolphe, qui avait enfin réussi à trouver une bride pour l’hippogriffe, et qui était fort en peine de Rabican, ne sa- chant à qui le confier. Le hasard fait que le paladin a ôté son casque, de sorte qu’à peine sortie de la forêt, Bradamante reconnaît son cousin. Elle le salue de loin, et court à lui avec de grandes marques de joie, et l’embrasse dès qu’elle est plus près de lui ; puis elle se nomme, et, levant sa visière, elle fait voir clairement qui elle est. Astolphe ne pouvait mieux confier Rabican qu’à la fille du duc de Dordogne, car il était certain qu’elle en aurait grand soin et qu’elle le lui rendrait aussitôt qu’il serait de retour. Il lui sem- bla que c’était Dieu qui la lui envoyait. Il la revoyait toujours avec plaisir, mais le besoin qu’il en avait lui fit trouver cette ren- contre encore plus agréable. Après qu’ils se furent deux ou trois fois embrassés comme deux frères, et qu’ils se furent affectueusement demandé de leurs nouvelles, Astolphe dit : « Maintenant, si je veux visiter le pays des oiseaux, il ne me faut pas tarder plus longtemps. » Et, racontant son projet à la dame, il lui fit voir le destrier ailé. Bradamante n’éprouve pas une grande surprise en voyant ce destrier déployer ses ailes. L’enchanteur Atlante le montait lorsqu’elle combattit contre lui et qu’elle lui fit verser tant de larmes. Elle l’avait également suivi des yeux, le jour où Roger fut emporté loin d’elle par un chemin long et étrange. – 482 –