qu’elle a échangés avec Roger et qu’elle aura sans cesse em- preints dans son âme. Ne pouvant aller à Vallombreuse, elle pense à y envoyer quelqu’un pour prévenir Roger du motif qui l’empêche d’y aller elle-même, et pour le prier – comme s’il en était besoin ! – d’y recevoir le baptême pour l’amour d’elle, et de venir ensuite à Montauban pour la demander en mariage, ainsi qu’il était convenu. Elle veut, par la même occasion, renvoyer à Roger son che- val, qu’il aime tant, et qui mérite si bien l’affection de son maî- tre. On n’aurait pas trouvé dans tout l’empire sarrasin ou dans le royaume de France, de plus beau et de plus vaillant destrier, si ce n’est Bride-d’Or et Bayard. Roger, le jour où, emporté par son audace, il monta sur l’hippogriffe et disparut dans les cieux, avait laissé Frontin abandonné, – Frontin était le nom du destrier. – Bradamante le prit, et l’envoya à Montauban, avec recommandation expresse de ne le laisser monter que rarement et de le conduire toujours au pas, de sorte qu’il était plus brillant et plus gras que jamais. Elle se met aussitôt à l’œuvre avec toutes ses dames, toutes ses damoiselles, et, par un subtil labeur, elle fait tracer sur une soie blanche et noire une broderie d’or fin ; elle en recouvre et en orne la selle et la bride du bon destrier ; puis elle choisit une de ses suivantes, fille de sa nourrice Callitrésie, et confidente de tous ses secrets. Elle lui avait raconté mille fois combien l’image de Roger était empreinte dans son cœur ; elle avait exalté sa beauté, son courage, ses grâces au-dessus des dieux. Elle la fait venir près d’elle et lui dit : « Je ne puis choisir un meilleur messager pour une telle mission ; car je ne connais pas d’ambassadeur plus fidèle et plus prudent que toi, ma chère Hippalque. » – 485 –