La donzelle s’appelait Hippalque. Bradamante lui apprend où elle doit se rendre ; elle l’informe pleinement de tout ce qu’elle aura à dire à son cher seigneur ; elle lui fera ses excuses de n’être point allée elle-même au monastère ; ce n’est pas qu’elle songe à renier sa promesse, mais elle en a été empêchée par la fortune plus forte que la volonté humaine. Elle la fait monter sur une haquenée et lui met à la main la riche bride de Frontin. Elle lui dit que, s’il se trouve sur son chemin quelqu’un d’assez lâche ou d’assez insensé pour vouloir le lui enlever, elle n’a qu’à dire à qui appartient le destrier, car elle ne connaît pas de chevalier, quelque hardi qu’il soit, qui ne tremble au nom de Roger. Elle la charge d’une foule d’autres recommandations pour Roger. Après les avoir attentivement écoutées, Hippalque se met en route sans plus de retard. Elle chevauche pendant plus de dix milles, à travers les chemins, les champs et les forêts obs- cures et épaisses, sans que personne vienne l’arrêter ou lui de- mander où elle va. Vers le milieu du jour, sur le penchant d’une montagne, et dans un sentier étroit et malaisé, elle rencontre Rodomont, tout armé, qui suivait à pied un tout petit nain. Le Maure lève sur elle un front hautain et blasphème toute la hiérarchie des dieux, de ce qu’un si beau destrier, si bien caparaçonné, ne se trouve pas entre les mains d’un chevalier. Il avait juré d’enlever de force le premier cheval qu’il ren- contrerait sur sa route. Or celui-ci est le premier qu’il ait ren- contré, et il se trouve justement qu’il n’en a jamais vu de plus beau. Mais l’enlever à une damoiselle lui semble une félonie ; pourtant il brûle de l’avoir. Il hésite ; il le regarde, il le contem- ple et s’écrie : « Ah ! pourquoi son maître n’est-il pas avec lui ? » – 486 –