« S’il y était, – réplique Hippalque, – il te ferait peut-être changer d’idée. Ce cheval appartient à quelqu’un qui vaut mieux que toi, à un guerrier qui n’a point son pareil au monde. » « Quel est donc celui qui dépasse ainsi tous les autres en va- leur ? » dit le Maure. « C’est Roger » lui répond-elle. Alors Ro- domont : « Je veux ce destrier, puisque c’est à Roger, à un tel champion que je le prends. » S’il est vrai, comme tu le dis, qu’il soit si fort, et qu’il l’emporte en vaillance sur tous les autres, ce n’est pas seulement le cheval, mais la voiture que je devrai lui rendre et dont je lui payerai le prix selon sa convenance. Tu peux lui dire que je suis Rodomont, et que, s’il veut en venir aux mains avec moi, il me trouvera ; partout où je vais, partout où je demeure, l’éclat de mon nom me fait assez reconnaître. » Partout où je vais, il reste de mon passage de telles traces, que la foudre n’en laisse pas de plus grandes après elle. » Ainsi disant, il avait saisi les rênes dorées du coursier. Il saute sur son dos, et laisse Hippalque tout en larmes et défaillante de douleur. Elle menace Rodomont et lui fait honte ; mais il ne l’écoute pas, et gravit la montagne. Il suit le chemin par lequel le nain le conduit à la recherche de Mandricard et de Doralice. Hippalque le suit de loin, l’accablant de malédictions et de menaces. On verra plus loin ce qu’il advint de cela. Turpin, qui a écrit toute cette histoire, fait ici une digression pour retourner à l’endroit où le Mayençais avait été mis à mort. La fille d’Aymon vient à peine de quitter ces lieux, que Zer- bin y arrive par un autre sentier, accompagné de la méchante vieille. Il voit le corps d’un chevalier étendu au milieu du vallon et ne sait qui ce peut être. Mais, comme il est sensible et cour- tois, il est ému de pitié à ce triste spectacle. – 487 –