Ce guerrier était Mandricard, qui suivait les traces de Ro- land, afin de venger Alzire et Manilard, que le paladin avait si vaillamment renversés. Sa poursuite, d’abord fort active, s’était sensiblement ralentie, du moment où il avait eu Doralice en son pouvoir, après l’avoir enlevée avec un tronçon de lance, à plus de cent guerriers bardés de fer. Le Sarrasin ignorait que celui qu’il poursuivait fût le sei- gneur d’Anglante, mais tout semblait indiquer que c’était un illustre chevalier errant. Il ne fait pas attention à Zerbin ; ses yeux, au contraire, examinent le comte de la tête aux pieds, et retrouvant tous les indices qu’on lui en a donnés : « Tu es celui que je cherche, – dit-il. » Voilà dix jours, – ajoute-t-il, – que je suis tes traces, exci- té par le bruit de tes exploits, qui est parvenu jusqu’au camp devant Paris. Le seul survivant des mille guerriers que tu as tail- lés en pièces y est arrivé après de grandes fatigues, et a raconté le carnage que tu as fait des soldats de Noricie et de ceux de Trémisen. » Dès que je l’appris, je m’empressai de me mettre à ta poursuite, pour te connaître et me mesurer avec toi. Je m’informai des insignes que tu portes sur tes armes, et c’est toi, je le sais. À défaut de ces indications, je te reconnaîtrais au mi- lieu de cent autres, rien qu’à ta fière prestance. » « On ne peut dire, – lui répond Roland, – que tu ne sois pas un chevalier de grande vaillance, car, à mon avis, un dessein si magnanime ne saurait naître en un cœur vil. Si c’est le désir de me voir qui t’a fait venir, je veux que tu me voies à visage dé- couvert, comme tu as vu mes armes ; je vais ôter mon casque, afin que ton envie soit satisfaite. » Mais quand tu m’auras bien vu en face, il te restera en- core à satisfaire le second désir qui t’a fait suivre mon chemin, – 494 –