et en espère la victoire ; il pose doucement la main sur les yeux du cheval de Mandricard et fait tomber la bride. Le Sarrasin fait tous ses efforts pour étouffer Roland ou pour l’enlever de selle ; le comte tient les genoux serrés, et ne plie ni d’un côté ni de l’autre. Enfin, sous les secousses du païen, la sangle de sa selle vient à casser, et Roland tombe à terre sans s’en apercevoir, car il a toujours les pieds aux étriers, et il serre encore la selle avec ses cuisses. Le comte, en touchant la terre, produit le même bruit que si c’était un trophée d’armes qui serait tombé. Le destrier de Mandricard, qui a la tête libre, et dont la bouche est débarrassée du frein, fuit ventre à terre, à travers les bois et les halliers, poussé deçà et delà, par une terreur aveugle, et emportant son maître. Doralice, qui voit son compagnon s’éloigner du champ de bataille, craint de rester abandonnée et court derrière lui de toute la vitesse de son roussin. Le païen, furieux, crie après son destrier ; il le frappe avec les pieds et avec les mains ; comme s’il n’avait point affaire à une bête, il le menace, croyant l’arrêter, mais il ne fait qu’accélérer sa fuite. La bête, pleine d’épouvante, affolée, court à travers champs, sans regarder devant elle. Déjà elle avait couru plus de trois milles, et elle aurait continué, si un fossé ne se fût ren- contré sur son chemin ; cheval et cavalier tombent au plus pro- fond, où ils ne trouvent ni litière ni lit de plume. Mandricard éprouve une secousse terrible, mais il ne se rompt point les os. Enfin le coursier s’arrête ; mais son maître ne peut le gui- der, car il n’a plus de mors. Le Tartare le tient par la crinière, plein de fureur et de colère. Il ne sait quel parti prendre. « Mets- lui la bride de mon palefroi, – lui dit Doralice, – le mien n’est – 497 –