Le comte, plein de tristesse, met pied à terre en cet endroit, et voit sur l’entrée de la grotte des mots que Médor avait tracés de sa propre main et qui paraissent fraîchement écrits. Le jeune homme avait exprimé dans des vers le grand bonheur qu’il avait goûté dans la grotte. Je pense que ces vers devaient être fort beaux dans sa langue ; voici quel était leur sens dans la nôtre : « Arbres joyeux, vertes herbes, eaux limpides, caverne obs- cure aux fraîches ombres, où la belle Angélique, fille de Gala- fron, s’est abandonnée si souvent nue en mes bras, après avoir été vainement aimée par tant d’autres, comment moi, pauvre Médor, pourrai-je vous remercier du bonheur qui m’a été donné ici, autrement qu’en chantant à jamais vos louanges, » Et qu’en priant tous les amoureux, nobles, chevaliers et damoiselles, ainsi que tous ceux, paysans ou voyageurs, que le hasard ou leur volonté conduira en ces lieux, de vous dire ceci : que les rayons du soleil et de la lune vous soient doux, ô verte prairie, frais ombrages, grotte, ruisseau, arbres touffus ; et que le chœur des nymphes vous garde des pasteurs et des trou- peaux ! » Ceci était écrit en arabe, que le comte comprenait aussi bien que le latin. Des nombreuses langues qu’il connaissait, c’était celle-là que le paladin possédait le mieux. Cela lui avait permis souvent d’éviter les périls et les outrages, quand il se trouvait au milieu du camp sarrasin ; mais il ne se vante plus des bénéfices qu’il en a retirés jadis, car il éprouve maintenant une telle douleur, qu’elle compense bien tous les avantages pas- sés. Trois, quatre et six fois, l’infortuné relit ces vers, s’efforçant en vain d’y trouver autre chose que ce qui y est écrit ; il le voit, au contraire, toujours plus clair et plus compréhensible. À cha- que fois, il sent son cœur comprimé dans sa poitrine comme par – 501 –