une main glacée. Enfin il reste les yeux fixés sur le rocher, quoi- que son esprit en soit bien loin. Il est près de perdre la raison, tellement il se livre en proie à la douleur. Croyez-en celui qui en a fait l’expérience, cette souffrance surpasse toutes les autres. Le menton sur la poitrine, il courbe un front privé d’audace. Sa douleur est si poignante, qu’il ne peut ni se plaindre ni pleurer. Sa douleur impétueuse, et qui veut sortir trop vite et toute à la fois, reste concentrée dans son cœur. Ainsi nous voyons l’eau, enfermée dans un vase au large ventre et au col resserré, rester dans le vase quand celui-ci est renversé ; le liquide, qui voudrait s’échapper, se presse tellement dans l’étroit goulot, que c’est à peine si elle sort goutte à goutte au dehors. Roland revient un moment à lui ; il pense encore que la chose peut n’être pas vraie ; quelqu’un aura sans doute voulu diffamer le nom de sa dame, ou lui inspirer à lui-même une telle dose de jalousie, qu’elle le fasse mourir ; il le croit, il le désire, il l’espère. Mais, quoi que ce soit, celui qui l’a fait a bien imité la main d’Angélique. Cette faible espérance ranime un peu ses esprits et rafraî- chit sa pensée. Il remonte sur Bride-d’Or. Déjà le soleil cède la place à sa sœur. Le paladin ne chevauche pas longtemps sans apercevoir la fumée s’échapper des toits, sans entendre aboyer les chiens et mugir les troupeaux. Il arrive dans un village où il se décide à loger. Il descend nonchalamment de cheval et confie Bride-d’Or aux soins d’un garçon expérimenté. D’autres lui ôtent ses armes, d’autres détachent ses éperons d’or, un autre enfin va fourbir sa cuirasse. C’était justement la chaumière où l’on avait apporté Médor blessé, et où il eut si douce aventure. Roland ne songe – 502 –