qu’à dormir ; il ne demande pas à souper ; sa douleur le rassa- sie, et il n’a pas besoin d’autre nourriture. Plus il cherche le repos, plus sa peine le travaille. Il voit partout l’odieuse inscription ; les murailles, les portes, les fenê- tres en sont couvertes ; il veut interroger son hôte, mais il re- tient ses questions, car il craint de rendre trop évidente, trop claire la vérité qu’il s’efforce de voiler, afin d’en moins souffrir. Mais il ne lui sert de rien de ruser avec lui-même, car, sans qu’il ait rien demandé, il trouve qui lui en parle. Le pasteur, qui le voit accablé de tristesse, et qui voudrait le distraire, lui conte l’histoire des deux amants. C’était un récit qu’il faisait souvent à qui voulait l’entendre et que plusieurs avaient trouvé intéres- sant. Il commence, sans en être prié, à raconter à Roland Comment, à la prière de la belle Angélique, il avait trans- porté dans sa chaumière Médor grièvement blessé ; comment elle avait soigné sa blessure et l’avait guérie en peu de jours, et comment Amour lui avait fait à elle-même une blessure bien plus profonde et l’avait, avec une simple étincelle, embrasée d’un feu si cuisant qu’elle en brûlait tout entière. Il lui dit comment, sans souci de son rang, car elle était la fille du plus grand roi de tout le Levant, elle fut amenée, par son ardent amour, à devenir la femme d’un pauvre soldat. Il termine son histoire en montrant le bracelet qu’Angélique lui a donné, en le quittant, pour le remercier de son hospitalité. Cette conclusion est pour Roland comme le coup de hache qui lui détache la tête du cou. Il se voit accablé de tortures in- nombrables par Amour, ce bourreau. Il s’efforce de cacher son désespoir, mais sa peine est plus forte que lui, et il ne peut la celer. Qu’il le veuille ou non, il faut qu’à la fin elle déborde de sa bouche et de ses yeux par des larmes et des soupirs. – 503 –