ponds que je vous comprends fort bien, maintenant que mon esprit est dans un moment lucide. J’ai grand souci – et j’espère le faire un jour – de me reposer enfin ; mais dès que je veux mettre cette résolution à exécution, je ne le puis, car le mal a pénétré jusqu’au fond de mes os. Seigneur, je vous disais, dans l’autre chant, que le furieux et forcené Roland, après avoir arraché ses armes et déchiré ses vêtements, les avait dispersés dans la campagne ; qu’il avait jeté son épée sur le chemin, déraciné les arbres, et qu’il faisait reten- tir de ses cris les cavernes et les forêts profondes, lorsque, atti- rés par la rumeur, de nombreux pasteurs accoururent, conduits en ces lieux par leur mauvaise étoile ou en punition de quelque péché. Dès qu’ils se sont approchés d’assez près pour voir les in- croyables prouesses d’un tel fou et sa force terrible, ils font volte-face pour fuir ; mais ils ne savent plus par où, comme il advient dans une peur soudaine. Le fou se précipite sur leurs pas. Il en saisit un et lui arrache la tête avec la même facilité qu’on cueille une pomme sur l’arbre ou une fleur épanouie sur le buisson. Il prend par une jambe le tronc pesant et s’en sert comme d’une massue contre les autres. Il en jette deux par terre et les endort d’un sommeil dont ils ne se réveilleront probablement qu’au jour du jugement dernier. Leurs compagnons s’empressent de fuir le pays, et bien leur sert d’avoir le pied leste. Le fou les aurait eu néanmoins bientôt rejoints, s’il ne s’était pas jeté sur leurs troupeaux. Les laboureurs, rendus prudents par l’exemple, abandon- nent, dans les champs, charrues, houes et faux. Les uns montent sur les toits des maisons, les autres sur les églises, car les ormes ni les saules ne seraient point un abri sûr. De là, ils contemplent l’horrible furie de Roland, qui, des poings, des épaules, des – 509 –